Former à la finance pour fidéliser : une stratégie RH sous-exploitée

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"Je quitte, j’ai trouvé mieux payé ailleurs"

Combien de fois avez-vous entendu cette phrase, souvent lancée comme une évidence, par une personne employée convaincue d’avoir fait le bon choix ? Pourtant, derrière ce gain salarial apparent se cache parfois une réalité bien moins rose : perte d’avantages sociaux, fiscalité mal anticipée, stress financier persistant… et une décision prise sans réelle maîtrise de sa situation budgétaire globale.

Dans un marché de l’emploi où la rétention est un casse-tête pour les RH, la littératie financière apparaît comme un levier souvent sous-estimé. Et si, au lieu d’offrir une énième augmentation salariale, on outillait plutôt nos équipes à mieux comprendre, gérer et valoriser leur rémunération et leurs avantages ?

C’est cette mission que poursuit Mikaël Hintermeyer, fondateur de Quartier Finance, rencontré lors d’un événement où son approche concrète m’a profondément interpellée. Dans cette entrevue, il nous partage sa vision et des pistes concrètes pour faire de l’éducation financière un outil RH stratégique.

Mikaël, peux-tu te présenter ?

Je suis le fondateur de Quartier Finance, spécialisée en éducation financière, et basée à Montréal. Après plus de 15 ans dans le secteur financier, notamment comme gestionnaire chez Desjardins, j'ai choisi de mettre mon expertise au service d'une mission qui me tient à cœur : rendre les finances accessibles, concrètes et bienveillantes, tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Je suis également auteur du livre Parlons Argent au Québec, don la 2ème édition sort le 1er mai prochain, un guide destiné à aider les nouveaux arrivants à éviter les pièges financiers courants et à prendre les bonnes décisions dès leur arrivée, cet ouvrage leur permet d'éviter le fameux « Si j'avais su ! ».

Comment est né Quartier Finance ?

Quartier Finance est né d'un constat simple la littératie financière existe bien au Québec et nous n'en manquons pas ! Cependant, c'est l'éducation financière qu'il manque cruellement. Tu sais Sandrine, le plus important n'est pas d'apprendre mais d'appliquer ce que l'on a appris. Il ne suffit de savoir ce qu'est du financement, de l'épargne, des assurances, les aspects légaux mais de savoir les faire fonctionner tous ensemble tel un écosystème.

Au fil des années, j'ai constaté que les enjeux financiers personnels étaient souvent un angle mort, y compris dans les milieux de travail, et qu'ils avaient un impact direct sur le bien-être, la productivité et l'engagement des gens.
J'ai donc décidé de créer une entreprise qui parle d'argent sans jargon, avec pédagogie, andragogie et impact, en proposant des formations, des outils et un accompagnement sur mesure pour les citoyens et les organisations en vulgarisant la finance.

À ton avis, pourquoi l'éducation financière est-elle un enjeu majeur pour la rétention des talents en entreprise ?

Parce que le stress financier est l'un des premiers facteurs d'absentéisme, de distraction et de désengagement au travail.
Un employé qui vit une pression constante liée à ses finances personnelles sera moins disponible mentalement pour son rôle professionnel.
En revanche, une entreprise qui prend ces enjeux au sérieux démontre qu'elle voit ses employés comme des humains à part entière, pas seulement comme des ressources exploitables.
Je me plais dire que nous sommes les réconciliateurs des VP RH et VP Finance 😉. Nous agissons pour la rétention des talents en offrants des formations adaptées ce qui permet de faire des économies d'échelles.

Aurais-tu un exemple concret de la façon dont une meilleure compréhension de la finance personnelle peut réduire le stress des employés et, du même coup, leur permettre d'être plus engagés au travail ?

Oui, un exemple sans problèmes, je pourrais même t'en fournir des centaines. Cependant, un dernier cas marquant pourrait être pris en exemple. C'est celui d'un employé qui était sur le point de prendre une deuxième job du soir pour «joindre les deux bouts».
Après avoir suivi un atelier sur les finances personnelles offert par son employeur et dispensé par Quartier Finance, il a compris comment revoir ses habitudes de consommation, utiliser ses crédits plus stratégiquement, et mettre en place un vrai budget. Nous disons souvent « dans la vie il y a ce que l'on veut et ce que l'on peut ! »
Résultat ? Il a évité l'épuisement professionnel, gagné en confiance, rééquilibré son budget, est parti avec sa famille au complet pour la 1ère fois cette année... et il est devenu un ambassadeur interne de la démarche d'éducation financière en entreprise.
C'est là toute la force d'une littératie financière appliquée à la réalité du quotidien.

Comment encourages-tu les entreprises à mettre en place des programmes d'éducation financière, et quels sont les éléments clés à inclure dans ces formations pour maximiser leur impact ?

Je commence toujours par écouter les besoins spécifiques de l'organisation : profils des employés, enjeux vécus, objectifs RH, utilisation des avantages sociaux, plan stratégique, etc... . Ensuite, je construis un programme sur mesure, souvent en deux volets: Un diagnostic de stress financier des employés dans un 1er temps, ensuite une offre sur mesure adaptée aux employés ayant un besoin de formation.

Ce qui est marquant c'est que des entreprises ayant des PAE offrant un service d'éducation financière commencent à faire appel à nos services. Aujourd'hui les gens doivent avoir un clé en main, un service qui les prends par la main et leur dit comment faire dans leur cas précis mais également le faire avec eux. Nous ramenons également dans nos interventions tous les avantages sociaux de l'entreprise afin que les employés les maximisent pour alléger leur budget. Les résultats sont frappants, car l'entreprise nous emmène dans les bureaux de leurs employés pour les aider directement.

Une DRH CRIA travaillant dans une grande PME Québécoise ou nous sommes intervenus l'année passée, m'a dit avoir mesurer en 2024 moins de demandes d'augmentations de salaires car les employés savent maintenant gérer leur budget et savent qu'ils ont une part de responsabilité. Ce n'est pas juste à l'employeur de régler le problème budgétaire des employés par des augmentations salariales. Les employés sont imputables de gérer leurs finances personnelles, et ça ils l'ont bien compris suite à nos interventions.

Les éléments clés pour maximiser l'impact sont :

Le langage simple, sans jargon financier et la vulgarisation ;
Des outils concrets, téléchargeables ou interactifs, dépendamment du service choisi;
Une approche bienveillante et inclusive, chacun.e vie ses propres enjeux dans la vie;
Des exemples proches de la réalité des participants et de l'entreprise.
Et surtout, il faut créer un climat de confiance : on ne parle pas d'argent facilement. Mais bien accompagné, chacun peut avancer.

Quels sont les indicateurs ou les signaux qui montrent qu'une organisation bénéficierait d'un programme de d'éducation financière en entreprise pour ses employés et comment les mesures-tu ?

Certains signaux sont très clairs :

-Hausse de l'absentéisme ou du présentéisme ;
-Augmentation des demandes d'avance sur salaire ou d'emprunts personnels ;
-Baisse d'engagement dans les programmes collectifs (REER, assurances, etc.) ;
-Dégradation de la santé-mentale
-Diminution des indicateurs de mesure du bien être des employés (Officevibe, etc ...)

Comment on mesure ?
Avant tout avec un sondage de départ : perception du stress financier, niveau de connaissance, sentiment de contrôle sur les finances, fond d'urgence etc....
Puis, après le sondage vient la formation, nous informons, éduquons et formons les employés à transférer leur acquis en situation concrète par des ateliers.

Pour terminer, après quelques mois, nous évaluons les changements de comportement, l'amélioration de la compréhension et la volonté d'agir.
Les résultats sont mesurables, quantifiables après quelques mois... et surtout, transformateurs.

Quels conseils donnerais-tu aux responsables RH qui souhaitent entamer ou renforcer une démarche d'éducation financière dans leurs entreprises ?

  1. Commencez petit, mais commencez. Débutez par une rencontre exploratoire.
  2. Apprenez à connaitre réellement vos employés. Par le biais d'un sondage que nous faisons.
  3. Offrez un espace confidentiel où les employés peuvent poser leurs questions sans jugement.
  4. Travaillez avec des intervenants humains, andragogues et indépendants (tel que Quartier Finance). Il faut éviter toute impression de vente ou de conflit d'intérêts.
  5. Mesurez, ajustez, et communiquez les résultats. Les RH qui montrent les impacts positifs de leur démarche renforcent leur rôle stratégique au sein de l'organisation.

Alors que les entreprises multiplient les stratégies pour retenir leurs talents, l’approche de Mikaël nous rappelle une chose essentielle : un employé bien informé est un employé mieux outillé pour faire des choix éclairés — et plus fidèle à son organisation.

La littératie financière ne relève pas seulement du bon sens individuel, mais devient un vecteur de mieux-être collectif, de performance durable et de justice sociale au sein même des milieux de travail.

Et si la prochaine grande innovation RH n’était pas que technologique, mais aussi… éducative ?

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