Pourquoi recruter un "Sourceur Spécialiste en diversité" ?

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C’est un billet où je pense tout haut. Je ne demande qu’à alimenter ma réflexion. Elle va certainement évoluer au fil de mes conversations et échanges avec vous. 

Avez-vous remarqué dernièrement que l’on voit apparaître des postes de Recruteur / Sourceur– Diversité ?

J’avoue, à première vue, ça m’a rendue perplexe. Principalement pour une raison, qui est sûrement primaire. Je recrute depuis plus de 25 ans. Dans mes recherches, je ne privilégie ou écarte de profils pour des raisons autres que le profil lui-même et les compétences demandées. 
Je comprends tout à fait que l’on fasse des formations, que l’on créé des départements Diversité & Inclusion (D&I) en entreprise, que l’on sensibilise nos collaborateurs au sujet. Mais pour un recruteur, je questionne l’utilité de la terminaison : «spécialiste de la diversité »

Ne me considérant pas comme issue de cette diversité (ok, je suis une femme, mais ça n’a jamais été un frein professionnel dans mon domaine), je ne crois donc pas être assez lucide et éclairée sur la question. J’ai donc contacté plusieurs collègues et amis, issus eux-mêmes de la diversité, et occupant une fonction en acquisition de talent ou dans un département de D&I. 

Déjà, nous avons bien souri à l’évocation de ce phénomène de l'heure. On s’entend, c’est génial ce qui se passe. Ça brasse, ça bouge. 

"Mais c’est comme si on se réveillait tout à coup en 2021... et qu’il y avait de la discrimination partout"

Ceci dit, d’après une enquête BMO effectuée en décembre 2020, plus de 40% des entreprises n’ont encore aucune mesure en matière d’équité en emploi… 

Puis, on m’a refait une mise en contexte. 

Les groupes visés pas la diversité sont les femmes, Autochtones, minorités visibles, minorités ethniques et personnes handicapées. Pour le moment, le PAÉE (Programme d’accès à l’égalité à l’emploi) ne reconnaît pas les membres de la communauté LGBTQ2+ comme groupe sous-représenté (certains organismes subventionnaires fédéraux reconnaissent toutefois les membres de cette communauté comme groupe sous-représenté).

  • Pour information, à Montréal, 34% de la population est issue de l’immigration ou minorité visible.
  • En 2036, le taux devrait augmenter à 56%.
  • Et pourtant, on dénombre 3 fois plus de chômage chez les immigrants que chez les natifs.
  • Les femmes ne représentent encore aujourd’hui que 28% des postes cadres. 
  • Les Autochtones représentent 4% de la main d’œuvre, chiffre non représentatif en entreprise…
  • Côté handicap, on estime que plus de 16% de la population au Canada en fait partie (plus de 12% au Québec) - 1/3 incapacité légère à très grave, 2/2 incapacité légère - dont on estime que plus de 50% est disponible sur le marché du travail au Québec.*

Bref, l’écart entre ces chiffres et la représentation sur le marché du travail reste encore beaucoup trop grand.

D’après mes conversations avec mes contacts, on est donc actuellement en période de redressage. Il faut rééquilibrer la situation. Une fois que l’équilibre sera atteint et que l’expertise sera transmise à l’organisation, on passera en phase 2 : où le réflexe devient automatique. 
La période de redressage, c’est de mettre tout le monde à la table, c’est-à-dire que tous les groupes soient représentés équitablement dans l’entreprise, incluant à la direction, haute direction et comité d’administration. 

Mais avant de faire un plan de redressement, il faut faire une évaluation des compétences et des outils. Actuellement, la plupart des recruteurs n’ont pas les outils ni les informations pour aller chercher ces ressources. Souvent les équipes en place sont en mode administratif et non sur une démarche ciblée. 

Et parce qu’il n’y a pas que la compétence, on lui demande de faire appel à un groupe culturel. On lui demande aussi de comprendre l’appartenance à ce groupe culturel. 
Et comme on est susceptible d’avoir dans son propre réseau des gens appartenant au même groupe de personnes, une des solutions est donc de recruter des spécialistes en acquisition de talents, spécialiste en diversité. 

Il serait conséquemment plus logique et efficace de faire appel à un sourceur qui a accès à un réseau; par exemple : un autochtone sourceur ou un recruteur issu d’une autre minorité culturelle. 

Et, j’ai fini par poser la question qui fâche : Quid de la discrimination positive
Réponse : on en revient au plan. D’abord on diagnostique l’écart, ensuite on met en place des mesures rectificatives : on redresse, on change nos façons de faire et nos mentalités. On s’accroche beaucoup à cet argument de la discrimination positive, mais peut-on se mettre à la place des groupes sous-représentés ? Est-ce qu’on peut faire comprendre aux gens que ça va ne rien leur enlever que d’intégrer les personnes de minorité ?


On connaît tous ce cas classique : un immigrant qui arrive, prend un emploi alimentaire parce que pas d’expérience québécoise, et qui finalement après quelques années est reçu par un recruteur plus ouvert mais qui lui dit que ça fait trop longtemps qu’il n’a pas été dans ce rôle…

Aujourd’hui, nous ne sommes pas assez nombreux, nous ne faisons pas assez d’enfants, notre courbe démographique est ascendante. 
C’est un besoin d’arrimer le tout. Et en plus, cela assure une certaine préservation du français. Si pas d’immigrants francophones, et sans renouvellement de la population, le français se perd. 

Il faut donc regarder les expériences différemment. On entend encore trop souvent pour des postes en gestion ce genre de commentaires : « oui mais dans son pays, ce n’est pas pareil, on ne gère pas les individus de la même façon » 
Il manque des passerelles entre ceux qui arrivent (qui ont pourtant été sélectionnés en fonction de plusieurs éléments : diplôme, argent, famille, âge…) et ce qui est offert sur le marché. 
On est rassuré de voir sur un CV le même type d’expérience. On ne sait pas comment évaluer le transfert des compétences. Il faut absolument apprendre à nos gestionnaires et recruteurs à le définir. Et cela inclut même, dans un autre ordre d’idée, les gens qui changent souvent d’emploi: évidemment, comme gestionnaire qui est en poste depuis 15 ans dans une entreprise, il ne peut comprendre un candidat qui change aux 2 ans…

Le travail est donc sur l’acceptation des différences, quelles qu’elle soient. 

Et pour ça, et bien ça nécessite d’avoir des recruteurs issus eux-mêmes de la diversité, qui vont pouvoir les comprendre, les évaluer, et les trouver. 

Mon niveau de perplexité a donc évolué grâce à ces riches échanges, je remercie les personnes qui m’ont accordé tout ce temps. 
Mais je serais aussi curieuse de vous lire et/ou de vous entendre là-dessus. Vous en pensez quoi vous ?

*Données : Statistiques Canada

Commentaires

Bonjour Sandrine,
Très intéressant ton point de vue sur cette "nouvelle" situation. Je me faisais la remarque hier sur un poste proposé par une compagnie en finance, à ce sujet. Je me questionnais sur la signification de cette prise de position. Comme tu le dis, en tant que recruteur on ne discrimine pas, on cherche le ou la meilleure candidate sans égard de son origine ou appartenance sociale.
Au-delà de la sélection, je pense que c'est une question de culture et mentalité. La culture peut partir des employés mais doit être soutenue par les dirigeants et dirigeantes et redescendre vers les gestionnaires qui doivent accepter de sortir des sentiers battus et considérer tous types de candidatures.
Au plaisir d'en discuter en terrasse ;)

Salut Sandrine,
J'ai lu et j'apprécie votre texte qui traduit en partie ce que vivent les immigrants au Québec/Canada sur le marché du travail.

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