KPI, vous êtes prêts?

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Vous connaissez Andrée Laforge ? Vous devriez... Andrée, c'est LA référence et spécialiste des indicateurs de performance RH au Québec. Boule d'énergie, excellente vulgarisatrice, missionnaire des KPI, elle évangélise le monde des ressources humaines.

Entrevue avec Andrée Laforge, Chef de produit enthousiaste, SYNTELL Capital Humain

Andrée, peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

J’ai un parcours quelque peu atypique… J’ai fait mes études en génie à l’université Laval, en génie mécanique pour être plus précise (il n’y a rien de plus différent qu’un profil RH et un profil d’ingénieur mécanique, laissez-moi vous le confirmer). J’ai poursuivi à la maîtrise où j’ai fait un MBA en opérations et systèmes de décision (les systèmes de décisions, ça se rapproche un peu plus à ce que fait SYNTELL). Par la suite, j’ai débuté ma carrière à Industrie Canada à Ottawa où j’étais Agent de projet à la direction de l’Aéronautique (j’ai toujours aimé les avions…). Dans le but de revenir dans la région de Québec, je me suis ensuite lancée en affaire avec un de mes professeurs à la maîtrise. Je suis alors devenue entrepreneure en tant que présidente directrice générale de SET Technologies pendant environ 7 ans. C’est à ce moment que j’ai connu mes premières expériences en ressources humaines (je devais gérer une vingtaine de programmeurs et ingénieurs) et ce, sans personne aux RH (le lot de plein de petites PME du Québec). Après avoir vécu la crise de la mi-trentaine (d’habitude. c’est la crise de la quarantaine, mais pour moi, c’est arrivé un peu avant…), j’ai voulu changer le monde! Je suis devenue directrice générale d’un organisme à but non lucratif. Cet organisme était un centre de travail adapté (nous intégrions des personnes handicapées sur le marché du travail). Après avoir amené l’entreprise à 70 employés (dont 60%sont des personnes handicapées), j’ai décidé de retourner dans les technologies (avant d’être trop vieille)… J’avais fait ma bonne action!

Que fais-tu aujourd’hui chez Syntell ?

Chez SYNTELL, je suis chef de produit enthousiaste. Le mot enthousiaste est important… Car je peux vous dire que ça en prend! Pas parce que l’emploi est platte ou triste. Non, c’est plutôt parce que le marché dans lequel SYNTELL s’est lancé (il y a de cela trois années) est naissant. SYNTELL développe des solutions d’intelligence d’affaires depuis plus de 25 années. Et, il y a quelques années de cela, ils ont décidé de développer un produit d’analyse, de tableaux de bord et d’indicateurs de performance en ressources humaines. Donc, un produit destiné spécifiquement à la direction RH des organisations. Mon travail consiste en gros à transposer les besoins RH (en indicateurs de performance et en analyse de main d’œuvre) dans une application logicielle. Je dois donc faire de l’analyse de marché, de la veille sur la compétition, les clients, sur les tendances technologiques et sur les tendances en RH. Je dois aussi écrire les documents de requis pour les analystes informatiques. Donc, je travaille avec les programmeurs (drôle de bibittes) et les gens de ventes. Dans le but de faire évoluer notre clientèle cible, je dois faire énormément d’évangélisation. Je dois bâtir les messages marketing pour faire en sorte que les RH comprennent l’importance de se mesurer (donc l’importance de ce que l’on vend). Quelques fois, je perds la foi… Quelques fois, j’ai l’impression de prêcher dans le désert… Mais, il y a alors, une Claude, une Vanessa, un Michael ou un Jean-Baptiste qui me redonne espoir.

Tu évangélises les indicateurs de performances depuis plusieurs années. Où en sommes-nous ?

Cela ne fait pas si longtemps que cela quand on y pense. J’ai commencé chez SYNTELL à la fin avril 2011. Cela m’a pris environ 6 mois pour comprendre la technologie et les gens de RH (pour les RH, je ne suis pas certaine de tout comprendre). C’est en octobre 2011 que j’ai dit à mon très gentil patron (au cas où il lirait l’entrevue) :

« SYNTELL Capital Humain, ça ne sera pas de la tarte! Pas parce que le produit n’est pas prêt, c’est le marché qui n’est pas prêt. Il va falloir évangéliser, les gagner un par un… Les médias sociaux seront notre porte d’entrée et nous devrons donner, donner et donner beaucoup de contenu. Nous devrons former une tribu… une communauté. Il faut que lorsque les gens de RH penseront aux indicateurs de performance, qu’ils associent tout de suite le nom de SYNTELL. Et lorsqu’ils seront prêts à mettre en place des outils, le premier nom qui leur viendra en tête sera aussi SYNTELL. »

Donc, pour répondre à ta question, où en sommes-nous avec les indicateurs de performance? Je crois que les gens de RH ont passé l’étape de la prise de conscience (awareness). Mais, on n’est pas encore à l’adoption. Plusieurs mesurent, mais pas nécessairement les bonnes choses ou les choses qui ont de la valeur. On mesure beaucoup des indicateurs de suivi (nombre d’entrevue, nombre de plaintes, nombre d’heures de formation), mais très peu des indicateurs de résultats. Mais avant d’apprendre à courir, il faut apprendre à marcher. Pour connaitre l’état de la mesure RH au Québec, nous avons fait un sondage en collaboration avec les HEC Montréal. Ce sondage, réalisé par les chercheurs Michel Cossette, professeur adjoint au service de l’enseignement de la gestion des ressources humaines et Marie Raedecker, étudiante graduée de la maîtrise en gestion des ressources humaines, portait principalement sur le choix et le niveau d’utilisation des indicateurs de performance RH dans les organisations québécoises. 

Les grandes conclusions sont les suivantes :

  • La majorité des entreprises mesure
  • La majorité des entreprises mesure leur efficience et non leur efficacité
  • On mesure surtout les activités RH (c’est très opérationnel… très loin du stratégique)
  • La majorité des entreprises n’ont aucune idée de ce que leur rapportent leurs programmes ou leurs initiatives RH.
  • La majorité utilise Excel comme outil informatique.

Que nous permettent-ils de faire ?

C’est drôle c’était le sujet de mon tout premier billet en novembre 2011 « Pourquoi mesurez l’efficacité de la fonction RH? ». Il est essentiel pour les professionnels RH de démontrer leur valeur à toute leur organisation et plus spécifiquement à la haute direction. Les RH ne peuvent plus jouer seulement un rôle de soutien, ils doivent agir comme un partenaire d’affaires. On entend souvent « les RH n’ont pas leur place au comité de direction » ou bien « les RH ne sont pas crédibles » ou encore « les RH ne parlent pas le même langage que les finances ». Ce qui compte c’est la valeur ajoutée que vous amenez à l’entreprise. Et la valeur, ça se mesure! La valeur ça passe soit par l’augmentation des revenus, la diminution des coûts ou bien la diminution du risque. Si vous n’êtes pas capable de faire un lien entre vos programmes ou initiatives RH et les objectifs organisationnels, vous êtes cuits…

Il faut mesurer les bonnes choses, soit la valeur que vous apportez et non les activités que vous réalisez.

Par exemple, si vous mesurez le temps de dotation, le nombre d’employés qui ont suivi une formation, le nombre d’employés embauchés faisant partie d’un groupe cible, vous êtes loin d’être stratégique. Vous mesurez seulement des activités. Il est important de les mesurer pour évaluer votre productivité, vos coûts et votre conformité par rapport aux règlements. Ces mesures sont importantes pour votre département RH. Mais la vraie question demeure « quels sont les résultats pour votre entreprise? » C’est comme avoir seulement la moitié de l’histoire. Ce qui compte, ce sont les résultats. Pour être stratégiques, les RH doivent se concentrer sur les indicateurs à valeur ajoutée. Dave Ulrich, co-auteur du fameux livre « The HR Scorecard : Linking people, strategy and performance » et grand penseur RH, a dit : « Vous êtes seulement efficace si vous ajoutez de la valeur », « Ceci veut dire que vous n’êtes pas jugé sur ce que vous faites, mais bien, sur ce que vous livrez ».

Voici d’autres exemples, en recrutement, au lieu de vous concentrer sur le temps de dotation, parler plutôt de la performance, de la productivité et des augmentations de revenus générées par les nouvelles recrues. Au lieu de vous attarder seulement au nombre d’employés qui ont suivi une formation, tentez plutôt de mesurer les résultats obtenus par la suite de cette formation (une augmentation de productivité par exemple).

La prochaine fois que vous verrez votre président, dites-lui : « Suite au programme de formation suivi par nos gens du service à la clientèle, la satisfaction de nos clients a augmenté de 8 % au dernier trimestre et en plus, nous avons observé une augmentation des ventes de 12 % par rapport à l’an dernier. Nous avons aussi observé un taux de rétention de 90 % dans le département du service à la clientèle. » Cependant, si vous continuez à dire à votre président : « Nous avons formé 55 employés lors du dernier trimestre. »  Je doute que vous ayez une invitation pour la prochaine réunion du comité de direction!

On n’en parle que très peu en RH en entreprises. Qu’est-ce que ça prendrait pour que l’on s’y attarde enfin ?

Je pense que l’on commence à en parler davantage. Mais, il ne faut pas qu’en parler… il faut agir. Et c’est le gros problème des RH; le passage à l’action. Je dis souvent que les RH sont à la croisée des chemins et qu’ils devront agir. Mais personne ne peut le faire pour eux. Je te dirais que chez nos clients qui ont décidé de passer à l’action, les directives venaient d’en haut… Moi, si j’étais RH, je n’attendrais pas que cela me soit imposé. Les RH doivent se poser la question : combien de temps encore notre profession sera-t-elle encore là? Combien de temps encore les présidents d’entreprise vont-ils endurer cela? Il y a des entreprises où la fonction RH a complètement disparu (et cela en intrigue plus d’un). Le futur c’est maintenant! C’est maintenant que l’on prépare l’avenir! Pour ma part, je mise beaucoup sur la prochaine génération que je trouve davantage « analytique » et porter sur les technologies.

Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que les KPI puissent devenir une norme en RH ?

Cela faciliterait mon travail… Plusieurs pays mettent en place des normes et des standards pour mesurer les  RH. Que ce soit la CIPD au Royaume-Uni avec leur initiative « Valuing your Talent » ou bien les Américains avec la SHRM et son programme Human Resources Management Standard, il faut qu’une association ou qu’un ordre quelconque prenne le lead comme les nouveaux CPA ou encore l’OCRHA. Pour ma part, je crois que d’ici cinq ans la majorité des entreprises auront mis en place des tableaux de bord en RH. D’ici là, j’ai encore beaucoup de boulots à faire et de brebis égarées à évangéliser!

Pour terminer, que te souhaiter pour 2014 ?

Que les RH dépassent la prise de conscience et qu’ils passent à l’action, que tout d’un coup le déclic se fasse! J’aimerais voir dans les universités québécoises plus de professeurs comme Michel Cossette qui ont à cœur le développement de nos jeunes et qui les forment sur la mesure des résultats en ressources humaines, car selon moi, c’est dans les universités que l’on peut semer la graine!  J’aimerais que l’OCRHA s’implique davantage dans la mesure en RH, qu’elle démontre un certain leadership.  Mais en fait, ce que je veux vraiment c’est que la profession RH aspire à plus, j’aimerais voir davantage de présidents (ou présidentes) d’entreprise qui sont passés par la fonction RH!  Et je suis convaincue que la mesure RH est UN des outils qui peut contribuer à l’essor de la profession!

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Pour suivre Andrée sur son blogue: Mesurer le capital humain

Sur: Twitter : @AndreeLaforge

A lire aussi: TruMontreal: Les KIP par Thelma Reuff

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